Seulement si tu veux maman.

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Famille booth 1962

Chambre d’hôpital, autour de 23:00 le 7 novembre 2008

Ma maman Amulette, mon parrain, ma femme, mon fils et sa conjointe, ma cousine, sont présents.

La respiration d’Amulette est longue et profonde; elle est apparemment inconsciente.

Je lui parle:

« Tu sais maman, tu peux arrêter de respirer si tu veux. Oui…Doucement…Tout doucement…Tu n’es pas obligée évidemment, mais si tu veux, seulement si tu veux, tu peux arrêter de respirer…Je ne serai pas fâché ni déçu, tu sais; tu es fatiguée et tu as « mal à l’âme » comme tu me l’as dit, alors tu peux t’en aller…Mais seulement si tu en as envie bien sûr; personne ici ne t’oblige à rien…à rien. Oh maman, je vais devoir faire un deuil, le deuil de toi c’est sûr, mais je sais très bien, et je comprends tout à fait que toi, tu en as plusieurs des deuils à faire, et que c’est difficile de te laisser aller à t’arracher à cette vie que tu as tant aimée, malgré tout. C’est juré maman, personne ne t’en voudra, personne…personne…tu peux partir…mais seulement si tu veux, seulement si tu veux… »

(Le rythme de sa respiration change, elle reste de plus en plus longtemps au bout de son inspiration, l’expiration devient de moins en moins nécessaire)

« Doucement… tout doucement…oui, tu peux arrêter…oui… »

(La respiration arrête; tous se concentrent, émus et fébriles sur son cou où l’on voit très nettement les battements de son coeur)

« Nous sommes tous avec toi maman…Maintenant, tu peux arrêter ton coeur si tu veux maman, mais seulement si tu veux bien sûr… »( les battements s’espacent de plus en plus)

« On est là, on est tous là, je suis là maman…tu peux arrêter ton coeur si tu veux…Oui…tout doucement…………..Oui…………….C’est ça……………Tout doucement…………………………………………………………………………………….. »

(Le coeur s’arrête de battre)

Ce moment, si difficile, si triste et si mystérieux, est aussi pour moi le moment le plus tendre et le plus doux que j’ai vécu.

5 réflexions au sujet de « Seulement si tu veux maman. »

    Melissa Beaulieu a dit:
    27 avril 2015 à 13 h 22 min

    Très beau message !!! Pas facile de laisser partir une personne que nous avons aimée

    Gervaise a dit:
    27 avril 2015 à 13 h 41 min

    Quelle belle fin de vie! Ca semblait si doux, si reposant, remplie de sérénité et d’abandon.
    Enfin elle pouvait se reposer, elle avait le droit.
    Merci de ce partage plein d’amour et d’abnégation.
    On le ressent dans tes paroles.
    Merci!

    mjlongchamps a dit:
    27 avril 2015 à 14 h 13 min

    Magnifique et touchant. Tu décris si bien Alain. Avec tant de délicatesse et d’amour.J’y étais aussi il me semble. Ils sont toujours là tes parents tant aimés.Grâce à toi, ta mémoire,ton coeur. Merci infiniment de partager ton amour et tes souvenirs de vie et de mort…car ils sont là.Si fiers de toi. Bravo mon ami.
    Marie-Josée

    Lise Boissonneault a dit:
    27 avril 2015 à 14 h 42 min

    Ma petite maman est partie tout doucement comme la vôtre, lundi le 20 avril dernier à 23h55. Elle souffrait de démence Alzheimer depuis plusieurs à années déjà et même si j’avais fait doucement mon deuil de ma douce et aimante maman, j’ai eu mal à l’âme lorsqu’elle m’a définitivement quittée. Votre témoignage m’a profondément touchée. Merci !

    Véronique Borboën a dit:
    27 avril 2015 à 16 h 16 min

    C’est un cadeau que de ne pas mourir seul, mais entouré de nos aimés. Tu as vécu un moment privilégié quand tu as pu inverser l’ascendance en devenant le guide de ta maman, celui qui pouvait lui parler comme à un petit enfant, celui qui a pu trouver les mots pour la libérer de ses attaches et du poids de la vie. Voilà pourquoi tu as senti tant de douceur, tu lui avais rendu cet amour d’une mère pour l’enfant que tu avais été.

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